Bilan : UNOC du 9 au 13 juin 2025 à Nice

Un grand rendez-vous international au chevet des Océans

Difficile de dresser une liste exhaustive de tous les sujets abordés lors de ce congrès tant la variété des problématiques est grande. Au risque donc de ne pas tout évoquer, voici ce que nous, Planète Mer, avons aimé et ce que nous n’avons pas aimé.

Nous avons aimé l’UNOC pour ce formidable rassemblement planétaire autour d’un sujet majeur qui nous préoccupe tous les jours : l’Océan. A l’heure où le monde boue et se déchire de toute part, voir des personnes venant du monde entier se parler, échanger, se projeter pour une cause commune ne peut être que réjouissant.

Nous avons aimé La Green zone, celle ouverte au grand public, symbolisée par ce site nommé pour l’occasion « La baleine », qui illustre à merveille le foisonnement d’idées, de projets, d’acteurs de toute nature, qui sont aujourd’hui à l’œuvre pour parler de l’océan, le faire aimer, mieux le connaître pour mieux le protéger en imaginant une pléiade de solutions toutes plus créatives les unes que les autres.

Nous avons aimé, les 10 recommandations des 2000 scientifiques réunis en amont du congrès qui exhortent les gouvernements à l’action et à la responsabilité en s’appuyant sur la science.

Nous avons aimé les 80 milliards d’euros pour une gigantesque mission scientifique internationale, « Mission Neptune » qui va permettre jusqu’en 2040, à ces mêmes scientifiques, de toujours mieux comprendre cet océan depuis l’espace jusqu’aux abysses, un océan encore si méconnu et pourtant déjà surexploité, pollué, meurtri.

Nous avons aimé la mise en œuvre prochaine, dès 2026, du « Traité de la Haute Mer » (BBNJ)1 grâce à la ratification désormais certaine d’au moins 60 pays signataires qui va permettre de mieux contrôler, réguler cet espace qui n’était jusqu’à présent qu’une zone de non droit.

Nous avons aimé l’engagement des 37 pays opposés à l’exploitation des grands fonds quand la première puissance maritime du monde vient de l’autoriser au mépris de la communauté internationale réunie à l’UNOC dont les USA sont scandaleusement absents. Et ça, nous n’avons pas du tout aimé !

Nous avons aimé la ratification de l’accord de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) des subventions à la pêche par 103 pays pour réduire celles qui sont les plus néfastes au secteur (celles qui soutiennent la pêche illégale ainsi que la pêche non réglementée en haute mer). Espérons que TOUTES les subventions néfastes seront à terme, supprimées. A noter qu’il manque encore 10 ratifications pour l’entrée en vigueur de cet accord.

Nous avons aimé l’initiative française de “l’Appel des fonds et fondations pour l’Océan” qui démontre la volonté et l’engagement croissant de philanthropes privés en faveur de l’Océan.

Nous avons beaucoup aimé la Polynésie qui devient la plus grande aire marine protégée (AMP) du monde dont, non pas 10 mais 20%, seront en protection forte. Quel exemple !

Mais au sujet des AMP, nous n’avons pas aimé la communication du gouvernement français.

Avant l’UNOC, la France se targuait d’avoir 33,4% de l’ensemble de son espace maritime sous juridiction française en aires marines protégées (3 401 300 km²) avec seulement 0,1% de la surface des eaux métropolitaines en zone de protection forte (ZPF). En passant de 0,1% à 4%, annonce faite par le Président de la République, le gouvernement dit avoir multiplié par 40 ces zones de protection forte ! Qu’est-ce que cela signifie réellement ?

Avant l’UNOC, seulement 0,1% de la surface des AMP en métropole étaient « labellisées » ZPF. D’ici 2026, d’autres sites au sein d’AMP, qui, selon le gouvernement répondent aux critères de protection forte2, seront « labellisés » et obtiendront ainsi le « label de ZPF ». Cela veut dire 2 choses :

  • La première, c’est que nous avions à l’évidence déjà 4% de la surface des AMP qui disposaient de mesures de protection forte, mais certaines n’étaient tout simplement pas encore labellisées “ZPF”. Elles le sont désormais. (Pour rappel, le chiffre de 0,1%, pointé du doigt par de nombreux acteurs pour son extraordinaire faiblesse, a été paradoxalement repris par le gouvernement lui-même pour mieux flatter le “bond” à 4%).
  • La seconde, c’est que, puisque ces ZPF existaient déjà, cette labellisation ne change strictement rien et n’accroît en rien la protection du milieu marin, n’impose aucune nouvelle mesure, aucun contrôle supplémentaire. C’est juste un changement administratif de statut qui aura, il faut au moins l’espérer, peut-être comme conséquence positive, de mieux sécuriser et pérenniser ces zones en protection forte à l’avenir.

De ce point de vue-là, on ne peut qu’être très déçu par ce qui ressemble plus à une habile mais trompeuse stratégie de communication gouvernementale qui dissimule mal la vacuité de ses annonces sur ce sujet. Curieux contresens de l’histoire face aux sonnettes d’alarme tirées quelques jours plus tôt par les 2000 scientifiques réunis à Nice pour inciter nos gouvernements à plus de courage, de détermination et de célérité... Où est donc passée l’ambition ?

Dans un contexte de changements globaux, il est plus que jamais nécessaire d’engager une réelle transition des activités humaines afin qu’elles soient compatibles avec les objectifs de protection et de restauration des écosystèmes et de la biodiversité en général. C’est peut-être ce qui manque in fine : une véritable vision, partagée et engageante. Les bonnes volontés ne manquent pas, les freins et les obstacles non plus malheureusement, mais nous ne pouvons-nous permettre une politique timorée, une politique de l’attentisme, ni d’ailleurs du « stop and go » permanent. Bref, il y a encore beaucoup à faire pour « embarquer » tout le monde dans la bonne direction, pour que vive et soit respecté l’Océan, riche de tout son vivant !

Tournés vers cet objectif, nous plaçons beaucoup d’espoirs dans la 1ère COP consacrée à l’Océan qui se tiendra à New-York en 2026 en souhaitant qu’elle soit un marqueur historique, comme le sont devenus les Accords de Paris sur le climat, pour l’avenir de la planète bleue.

 

1) BBNJ, sigle anglais pour : marine Biodiversity of areas Beyond National Jurisdiction, il s’agit d’un traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, portant sur la conservation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en haute mer.

2) Une ZPF est une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées (Décret du 12 avril 2022 définissant les « Zones de protection forte »

 

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